24 décembre 2017 – 20h30 à Verneuil
Lectures : Is 9, 1-6 – Ps 95 – Tt 2, 11 –14 – Lc 2, 1-20

Il y a des textes qu’on entend, année après année, sans y faire vraiment attention. C’était le cas pour moi, je l’avoue, du texte du prophète Isaïe que nous entendons tous les ans en première lecture le soir de Noël. Je l’entendais chaque année, sans qu’il m’ait jamais vraiment marqué. Jusqu’à ce que, la semaine dernière, un paroissien me dise quelle émotion ce texte suscite en lui chaque année, à tel point qu’il en a les larmes aux yeux à chaque fois qu’il l’entend. Ça m’a donné envie d’entrer davantage dans ce texte, je me suis dit que je passais peut-être à côté de quelque chose… Alors j’ai lu et relu… « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant Toi. ». C’est vrai qu’il est extraordinaire, ce texte : quelle force !

C’est l’espérance, non pas d’un individu, mais de tout un peuple, et à travers lui c'est l’espérance de toute l’humanité, qui marche, qui chemine, qui veut être libérée des ténèbres, qui cherche la lumière… et qui éclate de joie lorsque cette lumière se lève. C’est la fin d’un esclavage, la défaite d’un tyran : « les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. ». Le prophète annonce la fin de la servitude et des souffrances, grâce à la naissance d’un enfant, un descendant du roi David, un sauveur. Et sa naissance sera synonyme de joie immense.

Bien sûr, la tradition chrétienne reconnaît le Christ dans ce sauveur. Même si on pourrait quand même se demander pourquoi on lit ce texte à Noël. Il y a un décalage entre la naissance d’un nouveau-né et les termes employés pour parler de lui : on dit qu’il est Conseiller-Merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix… Comment un bébé peut-il être conseiller, fort, père, prince…? Faudra-t-il attendre qu’il devienne adulte pour qu’on puisse dire ça de Jésus ? Est-ce trop tôt ? Est-ce Jésus adulte qui est notre sauveur, et pas encore Jésus enfant ? Non, ces termes sont déjà adaptés. Dès sa naissance Jésus est sauveur, dès son enfance il accomplit déjà sa mission, par sa simple présence. Il est Conseiller-Merveilleux en nous montrant, dès le début de sa vie, dans la crèche, le chemin de l’humilité. Il est Dieu-Fort en se faisant homme faible, petit et vulnérable pour nous rejoindre. Il est Père-à-jamais en se faisant fils d’homme pour nous conduire vers le Père. Il est Prince-de-la-Paix en se faisant serviteur, en se donnant à nous pour nous donner la paix.

Je comprends maintenant ce que me disait ce paroissien et je le remercierai de m’avoir éveillé à la beauté de ce texte ! C’est vrai que ce texte d’Isaïe est extraordinaire, et il nous aide à comprendre la véritable portée de Noël. Il peut nous éviter de limiter l’évènement de Noël à un conte merveilleux, ce petit enfant sur la paille de la crèche, avec les anges, les moutons, les bergers. C’est charmant, si mignon, un peu mièvre peut-être… et assez éloigné de notre quotidien. Mais l’Evangile, ce n’est pas cela. L’Evangile, c’est cet évènement extraordinaire, unique dans l’Histoire, qui concerne toute l’humanité : Dieu s’abaisse, Dieu prend le chemin de l’humilité pour rejoindre les hommes, ses enfants chéris, car il ne peut se résoudre à ce que le péché les tienne éloignées de lui. Alors il vient assumer la vie des hommes, la pauvreté des hommes. Il se fait chair. Et il va connaître le combat, il va subir la violence du mal, dès sa naissance, puisque le roi Hérode voudra d’emblée l’éliminer.

Dès la crèche, finalement, c’est la croix qui transparait. Le chemin d’humilité et d’abaissement de Jésus commence dans la crèche et culminera sur la croix. Et la croix, vous en conviendrez, ce n’est pas un conte merveilleux, ce n’est pas mignon. L’Evangile n’est pas un conte merveilleux, l’Evangile, c’est Dieu qui nous épouse et nous sauve.

Noël, ce n’est pas d’abord une esthétique, une magie, ce n’est pas féérique ni gentil. Noël, c’est beau, c’est de toute beauté. C’est la beauté toute pure de l’amour de Dieu qui se donne. C’est la grandeur du projet de Dieu qui se dévoile dans la petitesse : Dieu veut nous sauver et en prend les moyens. Dieu veut nous amener à lui, alors il vient vers nous. Dieu lui-même se fait proche, accessible pour nous. Notre grand Dieu se fait petit homme. Noël, c’est grand, parce que c’est petit. Et c’est beau, c’est la beauté de Dieu lui-même. Cette beauté nous élève, nous rend meilleurs. Et cette beauté fait notre joie de Noël.

La joie de Noël, c’est d’accueillir dans notre humanité notre Dieu lui-même qui vient s’unir à nous. La joie de Noël, c’est que cette naissance de Jésus qui a eu lieu il y a 2000 ans, peut se produire à nouveau chaque jour, à chaque moment de notre vie, au plus profond de nous-mêmes, si nous voulons bien l’accueillir, lui faire une place, prendre le temps de la prière, de la lecture de l’Evangile. La joie de Noël se prolonge chaque dimanche à la messe lorsque nous accueillons la présence nourrissante du Fils de Dieu venu faire corps avec nous.

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant Toi. ». Ce soir, notre joie est profonde, merci Seigneur.

Père Pierre-Marie Hascal

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